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Parler pour ne rien dire, faut savoir que ça lasse…..

-       Bla, bla, bla. Bla, bla, bla. Bla, bla bla bla bla.

 

Kjtiti vient de rentrer et sa femme parle, parle parle.

 

Kjtiti me direz-vous :

 

-       C’est un drôle de nom !

Je sais. C’est lui qui l’a choisi pour protéger son anonymat. Il s’appelle peut-être Kévin ou Jean-Pierre. En tous cas, sa femme le saoule. C’est ce qu’il nous dit en lançant ce défi :

«  Parler pour ne rien dire, faut savoir que ça lasse….. »

Pour comprendre si cette phrase est vraie, il faut se demander si on parle toujours pour dire « quelque chose », qu’est-ce qu’il faut « savoir » et qu’est-ce que la « lassitude » ?

Kjtiti est bien gentil, mais là, on rentre dans la philosophie, et il va falloir se triturer les méninges.

 

Le langage parlé est considéré comme un privilège de l’humanité, les animaux n’ont pas de discours structuré par une grammaire. On peut supposer que notre ami vit avec une personne humaine, nous le savons puisque cet être utilise le langage articulé, et le saoule. Si on utilise cette façon de communiquer, on peut penser que c’est pour dire quelque chose. Et oui Kjtiti, désolée de te le dire mais ta femme, ta compagne, ta moitié cherche à te dire quelque chose !

Y-a-t-il des sujets qu’il faut éviter, des circonstances où il vaudrait mieux se taire. On pourrait penser qu’il serait bon de ne pas parler de ce qu’on ne connaît pas, mais ça, madame Kjtiti s’en moque, elle s’en balance complètement. Cela impliquerait qu’elle  ait une connaissance scientifique de tous les sujets qu’elle souhaite aborder, ce qui paraît assez invraisemblable.

Notre culture et notre éducation nous apprennent qu’il y a certaines circonstances où il vaut mieux ne pas parler. Le problème est que, suivant les cultures ou les endroits du globe, ces circonstances peuvent changer, nous ne pouvons donc pas décréter qu’il serait bon de se taire dans certaines circonstances mais pas dans d’autres. Il faudrait préciser lesquelles. Madame K sait-elle que selon la culture de son compagnon il faut qu’elle se taise quand il rentre ? Visiblement « non ».

Le langage peut-il nous trahir ? La communication orale est le langage préféré des humains. Si l’on se tait, arrête-t-on de communiquer ?

Et non mon pauvre Kjtiti ta femme n’arrête pas de communiquer quand elle se tait ! Si l’on regarde une personne qui se tait, on peut souvent savoir, si elle est triste ou préoccupée, son corps ou ses vêtements exprimeront des choses qui ne seront pas dites oralement. Une personne triste et habillée en noir est peut-être en deuil. Si elle pleure et sort un mouchoir, elle nous donne une indication supplémentaire. Si Madame Kjtiti a un rouleau à pâtisserie dans la main, c’est très mauvais signe !

Ne rien dire paraît difficile à partir du moment où la personne est présente, et même son absence peut être signifiante. Une chaise vide à un repas de famille peut créer un drame. Imagine qu’en rentrant, gentil Kjtiti, on peut se tutoyer j’espère puisque nous a fait cette confidence au sujet de ta femme, imagine donc que  Madame ne soit pas là : elle t’a peut-être quitté, elle est peut-être avec son amant…

 

 

Le syntagme verbal « Il faut savoir » implique que  nous serions obligés de « savoir » qu’une lassitude est provoquée par la parole. Qui nous aurait formulé cette obligation et qui nous obligerait à savoir ? Sommes-nous obligés de savoir certaines choses ? Je te l’apprends cher Kjtiti, ta femme ne sait pas qu’elle te saoule quand elle te parle ! Elle pense même t’intéresser au plus haut point.

 

Au niveau culturel il vaut probablement mieux se taire dans certaines circonstances, si nous ne voulons pas passer pour quelqu’un d’impoli. Nous avons pourtant vu que suivant les pays ce savoir serait différent. Ce savoir viendrait-il de l’école ? De nos parents, des institutions ? Rien de cela.

 

S’il y a « savoir », il est forcément partagé, un savoir est la somme d’expériences scientifiquement prouvées. Cela voudrait dire qu’une personne qui dirait « Parler pour ne rien dire, faut savoir que ça lasse….. » pourrait prouver ce qu’elle avance par des expériences qui démontrent que c’est vrai dans tous les cas. Il faudrait que ce soit une certitude objective. Autrement dit en changeant de compagne il n’est pas du tout sûr que kjtiti ne soit plus saoulé par des bavardages intempestifs !

 

 

 

Considérons maintenant la lassitude. Dans le dictionnaire Larousse, la définition est : rendre quelqu’un las, fatigué. Tous les êtres humains seront-ils las ou fatigué au même moment ? La notion de fatigabilité entre ici en compte, certains individus seront fatigués très vite, et d’autres auront une capacité à endurer un flot de « paroles qui ne voudraient rien dire », beaucoup plus grande. Kjtiti n’est peut-être pas très endurant, il se fatigue très vite !

Il faudrait que tous les êtres humains soient complètement égaux, c'est-à-dire avec la même résistance physique et psychique. L’humanité est très diverse, nous le savons et nous pouvons le démontrer scientifiquement. C’est d’ailleurs une des richesses de notre espèce. Aurions-nous évolué ou même survécu dans le temps si nous avions tous été pourvus de la même résistance ? Nos capacités sont très diverses et c’est plutôt positif.

 

 

Il est impossible de ne rien dire, notre corps parlera malgré nous. Le savoir invoqué n’est pas démontré objectivement et la parole dans ce cas provoquerait une attitude tout aussi subjective « la lassitude ». Si cette phrase était vraie elle impliquerait une absence de diversité de l’humanité, et aurait probablement provoqué sa perte.

 Il s’agit ici d’une opinion qu’il faudrait argumenter pour donner au lecteur la liberté d’être d’accord ou pas. Il ne s’agit pas d’une vérité universelle. Mon pauvre Kjtiti désolé de te dire que tu es très mal parti ! Changer de femme ne résoudra rien, vivre seul est ta seule option.

 

FB arielleffe

 

 

Q

Quelle différence y a-t-il entre la réalité et le réalisme ?

 

Certains semblent ne jamais regarder les choses en face, et se boucher les yeux pour éviter les ennuis. Quand ils ont des problèmes ils appellent à l’aide parce qu’ils n’avaient pas prévu de se retrouver dans une situation aussi difficile : « on verra plus tard, on verra demain, profitons de l’instant présent ». On peut leur répondre qu’ils nient la réalité, ou qu’ils sont irréalistes, mais est-ce aussi simple, voient-ils la même réalité que nous ?

 

 

Vivre dans la réalité, c’est vivre dans le réel. C’est admettre qu’on peut toucher le monde, les objets, les êtres qui nous entourent, on peut les sentir ou les gouter, ou les entendre. On vit au milieu de faits, comme un policier  qui mène une enquête. On peut les transformer aussi, ce qui reviendrait à admettre qu’on peut avoir une action sur le monde.  Vivre dans la réalité, c’est avoir une certaine puissance, puisqu’on peut agir sur ce qui nous entoure, nous devenons Dieu dans une certaine mesure. C’est très rassurant.

 

Pourtant, en parlant avec notre entourage, on s’aperçoit que notre réalité n’est pas forcément la leur. Si on relate des souvenirs ou un événement vécus au côté d’un ami ou d’un parent, on se rend compte que ce qu’ils ont perçu, ou ce qui leur est resté de la réalité du moment est différent de nous. Y aurait-il plusieurs réalités, ça paraît impossible, le contraire même de la notion de réel. Mais si la réalité a divers aspects, on peut peut-être la voir sous des angles différents, les versions seraient toutes vraies, il y aurait donc plusieurs réalités.

L’opposé de la réalité, c’est l’apparence, le doute mais aussi la fausseté. On se retrouve dans l’inconnu, l’absence de maîtrise, est-ce qu’on voit ce que l’on voit, est-ce qu’on touche ce que l’on croit toucher. L’illusion s’immisce dans l’existence, on peut être trompé. Ce n’est pas une situation très confortable. On a l’impression de vivre au milieu de fantômes, existent-ils, sont-ils le fruit de notre imagination ? Sommes-nous fous ?

Un autre opposé de la réalité c’est la fiction mais aussi le rêve, ces deux mots sont plus positifs. Tout comme l’imagination, ils nous permettent de nous emporter vers une autre dimension. Nous nous  évadons, ce qui reviendrait à dire que la réalité nous emprisonnerait. Le rêve et l’imagination représentent une ouverture d’esprit qui nous permet d’appréhender le monde différemment, de comprendre même certains aspects de la réalité que les gens trop terre à terre ne verraient pas.

 

 

Le réalisme ne masque rien, il peut être effrayant, mais avec lui on sait où on va, il n’y a plus de mauvaises surprises, elles nous sont présentées dès le départ. Le risque s’est d’être paralysé par la peur dès le début, et de ne plus pouvoir agir.

On peut imaginer une femme amoureuse d’un bel homme, à qui on présenterait l’intérieur de son amoureux, ses viscères, son physique dans quelques années quand il aura vieilli ou qu’il aura été malade. Tout cela est peu engageant, et elle aura peut-être envie de tourner les talons.

Le réalisme peut pourtant nous aider à agir en trouvant la bonne méthode puisque tous les risques seront maîtrisés. Il n’y aura pas de mauvaise surprise, tous les problèmes auront été envisagés et une solution aura été trouvée. C’est ce que font les pragmatiques mais aussi ce que firent les ‘opportunistes’ qui appliquaient une politique prônée par Gambetta. Pour lui s’était une politique de prudence et de réalisme, on adaptait sa conduite selon les circonstances du moment, et on cherchait à utiliser les circonstances au mieux de ses intérêts.

 

Mais l’opportunisme a aussi un revers bien négatif, celui de n’agir que selon ses propres intérêts, personne n’a envie d’être traité d’opportuniste.

Pourrions-nous vivre en dehors de la réalité dans un rêve perpétuel, dans un monde imaginaire comme Peter Pan ? Probablement non, et quand c’est le cas, ces personnes sont qualifiées de malades et finissent internés.

Pouvons-nous vivre sans rêver ? Cela paraît impossible, il semble nécessaire de s’échapper de la réalité de temps en temps pour supporter les problèmes de notre existence.

Le réalisme est utile puisqu’il nous permet de nous orienter et de prendre les bonnes décisions, mais il ne faut pas qu’il nous empêche d’agir, il ne doit pas devenir paralysant. Il doit certes nous rendre prudent, mais en connaissant toutes les difficultés à l’avance, il peut nous décourager.

 

 

Comme toujours une dose de réalité, de rêve, de réalisme et de fantaisie nous seront utiles pour traverser l’existence, le tout est de savoir doser.